La taille « énorme » de l’onde quantique qui décrit la supraconductivité a une conséquence étonnante : la quantification du champ magnétique. En effet, quand un objet devient supraconducteur, l’onde quantique qui décrit les propriétés des électrons recouvre tout l’objet, aussi grand soit-il. C’est l’originalité de ces modes collectifs, où une seule onde correspond à tous les électrons du système. Cette onde supraconductrice possède une « phase ». La notion de phase est très générale : la phase d’une vague par exemple, correspond à savoir si on est dans le creux de la vague ou sur la crête.
En physique classique, une onde est associée à quelque chose qui oscille ; pour connaître la phase, il faut regarder à quel endroit de l’oscillation on se trouve : la valeur de la phase permet de savoir si on est au début, au milieu ou à la fin de cette oscillation. Pour une onde quantique, la signification de la phase est plus compliquée, puisqu’il n’y a pas d’objet qui oscille. Néanmoins, cette phase a une certaine valeur, qui peut être constante ou qui peut varier dans l’objet supraconducteur.
Quand l’objet supraconducteur comporte un trou, comme un anneau par exemple, alors la variation de la phase doit suivre certaines règles. En effet, quand on a fait un tour complet de l’anneau, il faut que la valeur de la phase retrouve la même valeur, car la phase n’a pas le droit d’être discontinue. Certaines variations seront donc interdites. Or quand on applique un flux magnétique à un anneau, ce flux modifie la phase le long de l’anneau. Pour que la phase puisse retrouver sa valeur après un tour, seules certaines valeurs de flux magnétique sont autorisées à passer dans l’anneau. Le flux est « quantifié », c’est-à-dire qu’il ne passe que par paliers, en prenant seulement des valeurs multiples entier d’une valeur de base, appelée quantum de flux, Φ0, qui vaut 2,07 10-15 Tm2 (ou Weber).
Représentation schématique d’un anneau supraconducteur. La variation de la phase du condensat le long de l’anneau est représentée par une oscillation de couleur. L’image de gauche est interdite, car la phase n’est pas continue (problème de raccord après un tour d’anneau). L’image de droite correspond à une situation qui est autorisée.
Pour résumer, comme l’onde quantique est définie sur tout l’objet supraconducteur, sa phase doit faire un nombre entier d’« oscillations » quand on fait le tour d’un anneau. En conséquence, le flux magnétique contenu dans cet anneau est quantifié, c’est-à-dire qu’il doit être un multiple d’une valeur minimale, Φ0. Cette valeur est très petite, mais il a été expérimentalement possible de la mesurer ! Théoriquement, la valeur de Φ0 dépend de la charge électrique des bosons qui forment le condensat supraconducteur : la valeur obtenue pour Φ0 correspond à une charge qui est le double de celle d’un électron isolé. Mesurer Φ0 est donc une façon de confirmer que les objets quantiques qui forment le condensat supraconducteur sont des paires d’électrons et non des électrons isolés.
C’est aussi la quantification du flux qui permet de comprendre pourquoi, dans l’état mixte, chaque vortex est traversé exactement par un quantum de flux magnétique quelque soit la composition chimique du supraconducteur, quelque soit la valeur précise de la température ou du champ magnétique.
Une autre conséquence de l’existence de la phase du condensat est l’effet Josephson.